Article proposé par CH de la page « Si tu veux mon avis »
Si tu veux mon avis, le référendum d’auto-détermination de la Kanaky (territoire dont le nom officiel reconnu par l’État français est Nouvelle-Calédonie) est certes un simulacre, mais il apporte néanmoins de nombreux enseignements.
Bon déjà pour comprendre la situation, il faut se replonger un peu dans l’histoire. Je connais pas par coeur l’histoire du territoire mais je me suis un peu intéressé pour pouvoir comprendre les tenants et aboutissants du référendum.
Du coup la Kanaky (ou Nouvelle-Calédonie) c’est un territoire sur lequel vivent des kanaks depuis des milliers d’années selon des traditions locales. Ce territoire a été découvert par les occidentaux au 18ème siècle et colonisé par la France en 1853. Après la colonisation, la France utilise le territoire kanak pour y envoyer des prisonniers de la métropole et notamment des communards après 1871 mais aussi des algériens révoltés contre la colonisation française de l’Algérie dans le but de « développer » ce territoire et de rendre la population autochtone minoritaire. Des milliers de kanaks meurent du fait des maladies apportées par les nouveaux arrivants. Les terres des kanaks sont volées et ceux-ci sont parqués dans des réserves, alors pourtant que dans la culture kanak, la terre est quelque chose de prédominant. À partir de 1887, les kanaks passent sous le code de l’indigénat qui les prive de la plupart de leurs droits, c’est ce même code qui a été appliqué dans de nombreuses colonies françaises.
Mais les kanaks ne se laissent pas faire, des révoltes éclatent sur l’archipel en 1878 contre la colonisation et en 1917 contre l’envoie forcé de kanaks sur le front dans le cadre de la première guerre mondiale. Après la seconde guerre mondiale, tout s’accélère, des mouvements indépendantistes s’organisent et dans les années 80, le territoire est en situation de quasi insurrection, l’état d’urgence est décrété, l’armée française est envoyée sur place. En 1988, des indépendantistes kanaks prennent d’assaut un post de gendarmerie de l’occupant français en opposition à un projet de re-découpage territorial de l’archipel, ils tuent quatre gendarmes et en prennent d’autres en otage. Ils se réfugient dans une grotte à Ouvéa, l’armée d’occupation française envoie le GIGN qui commet un massacre : 19 indépendantistes kanaks sont lâchement assassinés. Suite à cet évènement, des négociations s’ouvrent et un référendum est prévu pour 1998, celui-ci a en suite été repoussé à 2014 pour enfin avoir lieu aujourd’hui, le 4 novembre 2018, 30 ans après les évènements d’Ouvéa.
Voilà un très bref résumé de l’histoire de la Kanaky, histoire qui a amené au référendum d’indépendance. Aujourd’hui, la société calédonienne est encore très divisée entre kanaks qui représentent environ 40% de la population et caldoches (descendants de colons) qui représentent environ 30% de la population, les 30% restant étant pour la majorité des polynésiens.
Les kanaks vivent dans les quartiers pauvres, ont moins accès aux études, font des jobs précaires, le taux de chômage des kanaks est plus élevé, il y a bien plus de kanaks que de caldoches dans les prisons de l’archipel, les kanaks vivent au nord et à l’est de l’archipel, dans des territoires pauvres, pendant que les caldoches vivent les pieds dans l’eau dans des belles maisons dans le sud-ouest de l’Île, la zone la plus peuplée. L’archipel a les plus grosses réserves de Nickel au Monde (un minerai rare et très convoité aujourd’hui car utilisé dans les appareils électroniques). L’exploitation de ces réserves profite bien plus aux caldoches qu’aux kanaks. Aujourd’hui, la langue kanak est en train de disparaître et il est encore difficile pour les kanaks d’avoir ne serait-ce que le droit d’étudier leur histoire et non celle de la France à l’école. Face à toutes ces injustices, les kanaks sont aujourd’hui encore très majoritairement indépendantistes.
Quand on regarde les résultats du référendum, on voit qu’il y a 43% de oui à l’indépendance, c’est bien plus que ce qui était prévu dans les sondages. Mais surtout, quand on regarde une carte du découpage des voix, on voit que ça correspond parfaitement au découpage ethnique de l’Île. Les territoires à majorité kanak ont voté très largement pour l’indépendance alors que les territoires caldoches ont voté contre. Les voix des polynésiens semblent être partagées mais majoritairement contre l’indépendance, ce qui a permis au non de l’emporter, comme prévu par l’État français.
L’enseignement principal c’est que l’immense majorité des kanaks ne veulent pas être français et que, de fait, ça leur est imposé. Ils veulent que LEUR île soit indépendante, mais l’État français a bien organisé leur remplacement démographique depuis un siècle et demi de telle sorte qu’aujourd’hui, c’est la voix des descendants de colons ou des personnes envoyées de force en Kanaky qui l’a emportée, c’est la voix des personnes venues vivre les pieds dans l’eau dans des belles maisons au détriment du peuple kanak qui l’a emportée sur le droit du peuple kanak à disposer de lui-même et de son territoire.
La France est encore une puissance coloniale, on le voit en Kanaky mais aussi à La Réunion, à Mayotte, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, en Polynésie française mais aussi en Corse. La France utilise encore les territoires colonisés pour garantir une retraite dorée au soleil à sa bourgeoisie et pour s’assurer une mainmise sur les richesses naturelles des territoires colonisés.
L’indépendance peut s’obtenir par un référendum, mais par un vrai référendum, pas par un simulacre dans lequel les colons peuvent voter pour maintenir leur domination. Non, c’est au peuple colonisé de voter, les caldoches n’auraient pas du avoir le droit de voter aujourd’hui.
Mais le combat pour l’indépendance passe avant tout par le fusil, les martyrs d’Ouvea nous le rappellent. Le combat du peuple kanak est loin d’être terminé et les débuts de révoltes en cours dans les quartiers pauvres majoritairement kanaks de Nouméa nous rappellent que partout où il y a oppression, il y a résistance, que la lutte pour l’auto détermination et contre le colonialisme et l’impérialisme est longue et se fait par étapes. L’étape d’aujourd’hui a permis de prouver au Monde entier que le peuple kanak veut être indépendant. La lutte héroïque des résistants kanaks face à la puissance impérialiste française doit être une force pour tous les peuples opprimés à travers le Monde, les kurdes, les palestiniens, les guyanais, les irlandais du Nord, les corses, les basques, les martiniquais et bien d’autres. Le processus de décolonisation est long et il ne se suffit pas à lui même car il doit nécessairement s’accompagner d’une lutte intense face aux formes plus vicieuses de colonisation qui consistent à laisser une apparente souveraineté pour mieux piller les ressources d’un territoire.
Les militants révolutionnaires, en France métropolitaine, doivent combattre contre l’impérialisme de l’État français afin que celui-ci laisse les peuples opprimés s’auto déterminer.
Vive la Kanaky libre, gloire aux martyrs d’Ouvéa ! Le combat continue !