critique – Eunomia https://eunomia.media Fri, 20 Nov 2020 03:03:01 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Un « Hold Up » de notre capacité d’agir : sur le film de Pierre Barnérias https://eunomia.media/2020/11/20/hold-up-de-notre-capacite-dagir/ https://eunomia.media/2020/11/20/hold-up-de-notre-capacite-dagir/#comments Fri, 20 Nov 2020 03:03:01 +0000 https://eunomia.media/?p=6065 Un article proposé par Nclectic La semaine passée a été marquée par la publication sur les réseaux sociaux de Hold Up, un film présenté par… ]]>

Un article proposé par Nclectic

La semaine passée a été marquée par la publication sur les réseaux sociaux de Hold Up, un film présenté par ses concepteurs comme un documentaire sur la crise du Covid 19 et sa gestion politique, notamment en France. Mélangeant images d’actualité, interviews et paroles d’anonymes, Hold Up a très vite rencontré un public massif parmi tous.tes les « antisystèmes » du pays, ce qui est somme toute logique dans notre période de sidération et de vide critique. Problème : le contenu du film délivre une lecture falsifiée et conspirationniste de la crise sanitaire, appelant avant tout à l’émotion et invisibilisant les sujets les plus urgents. Explications.


« Il est abject, ce documentaire, Hold Up. Il exploite avec une rare perfection la détresse, la tristesse, les fantasmes et la peur des gens en superposant des images-choc et en leur racontant n’importe quoi. Sans rire, c’est extrêmement bien fait et extrêmement pervers. Et c’est assez flippant pour couper toute envie de se battre. Voilà un bâton entouré de fils barbelés. Une toile d’araignée bien utile pour occulter un danger bien réel: la crise économique qui arrivera après la pandémie et la politique d’austérité qui en découlera. Ce film porte bien son nom: c’est un hold-up de l’esprit critique. Rendez-nous Marx! »

Voilà comment j’ai réagi sur les réseaux sociaux après avoir visionné Hold Up. Je ne reprendrai pas ici l’ensemble des critiques que l’on peut lui adresser car la plupart des grands médias en ont déjà fait un fact-checking assez rigoureux. Par contre, j’ai lu très peu de choses permettant de remettre en perspective l’irruption de ce faux documentaire, de comprendre sa popularité et sa dangerosité. Après mon message, j’ai reçu plusieurs messages allant dans mon sens mais aussi beaucoup de critiques venues de proches et de moins proches. Qui étais-je pour m’autoriser, dans une période aussi opaque et incertaine, à dire que ce film plébiscité par certains Gilets jaunes ne pouvait pas être un document sur lequel prendre appui dans une perspective révolutionnaire ? « Au moins, ils critiquent le gouvernement », m’a-t-on rétorqué. « Tu es du côté du gouvernement ou des révoltés ? On se le demande ». L’accusation de mépris de classe n’était plus très loin, et j’avais beau argumenter, fact checker, expliquer, je n’ai rien pu faire face à mes détracteurs qui, pour certains, sont très proches et issus d’une culture plutôt ancrée à gauche. Que s’est-il passé pour que nous en arrivions là ?


Tout d’abord, il faut prendre la mesure de la période que nous traversons : depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, nous vivons à tous points de vue de véritables années de plomb en France. En 2017, dans le sillage des désastreux quinquennat Sarkozy et Hollande, la confiance des citoyens en l’exécutif, en la science, en l’école était déjà au plus bas ; désormais, elle est à six pieds sous terre. La faute en incombe en premier lieu à un gouvernement qui s’acharne depuis des mois à mener tambour battant une politique de droite dure en nous maintenant la tête sous l’eau, sans aucune discussion, avec une arrogance et une immodération rares. N’y-a-t-il pas eu, avant le confinement, trois ans et demi de manifestations sans interruption ? La colère, nous avons eu l’occasion de la leur faire sentir à divers moments de tension sociale : en 2018 dans les lycées, les universités, puis dans la rue avec les Gilets jaunes. L’an passé avec le mouvement contre la réforme des retraites, puis cette année encore, avec les manifs de soignants.tes et les mouvements antiracistes qui ont suivi le premier confinement.

La colère est là, elle existe, tangible partout. Et à force de répression, de désinformation, la tristesse et le désespoir aussi, qui terminent de l’émousser pour la changer en désir pur et simple de vengeance. En cette fin d’année, le pays compte dix millions de pauvres et bien plus de femmes et d’hommes au destin obscurci par la pandémie de Covid 19 et sa gestion,  accompagnées de nouvelles lois libérales-autoritaires violentes et injustifiées. Ces prochains jours, l’Assemblée nationale s’apprête à voter l’interdiction de publier des images de policiers non-floutées, le recours à des drones pour le maintien de l’ordre, l’interdiction des occupations d’universités avec des peines maximales allant jusqu’à trois ans de prison ferme et 45000 euros d’amende. Voilà où nous sommes. Aucun débouché positif ne semble se pointer à l’horizon. Nous ne pourrons pas compter sur les élections pour changer quoi que ce soit radicalement. Nous ne sommes pas libres de nos gestes, de nos déplacements. Tout autour de nous, la violence se réveille et frappe toutes les cibles. Dans le même temps, les débats se droitisent de jour en jour, banalisant clichés racistes, prêt-à-penser bourgeois et idées réactionnaires. Les arrêts de travail se multiplient, la dépression arrive, les addictions se confortent. Les problèmes que nous connaissions au quotidien avant la crise deviennent plus aigus, car nous sommes pris par un sentiment d’impuissance physique et intellectuel qui nous dépasse et peut nous conduire à des écueils. L’un d’entre eux s’appelle Hold Up.

Un film qui mélange tout, surtout le cerveau du spectateur

Beaucoup de personnes détestent les mots « complotisme » et « conspirationnisme », arguant du fait que l’Histoire est faite de complots et de conspiration. C’est en partie vrai, mais cela me semble être un confort de pensée. Expliquer le monde sous le seul angle du complot ne peut produire que des caricatures de la réalité. Seulement, les personnes qu’on regroupe sous le vocable de « complotistes » sont bien plus diverses qu’on ne l’imagine : je veillerai donc à utiliser ce mot le moins possible dans les lignes qui suivent pour ne pas moi-même être amené à tout confondre. Hold Up est un film de Pierre Barnérias qui parle de la crise du Covid 19 et de sa gestion politique, notamment en France. Il n’a fallu que quelques jours pour que cette compilation d’images de 2h40 soit visionnée plusieurs millions de fois. Cela, on le comprend parfaitement : dans une période aussi noire que la nôtre, qui ne chercherait pas d’explications ? Il serait intéressant de connaître le pourcentage de personnes qui ont été convaincues par ce document, mais vue la volée de bois vert qui en a résulté, il est probable que tout le monde ne l’ait pas regardé religieusement (au moins, on peut l’espérer). 

Que raconte Hold Up, alors ? Commençant comme une critique de la gestion de l’épidémie de Covid 19 par le gouvernement français, il se termine par l’annonce de la structuration d’un gouvernement mondial voué à soumettre l’humanité par l’utilisation de la peur de la pandémie. Entre temps, le spectateur aura eu l’occasion d’entendre des dizaines de commentaires s’enchaînant à une cadence rapide dans le but de produire du sens. Le parti-pris des réalisateurs est clair. Hold Up joue avec les émotions – voire avec les nerfs – de son public, cela dans le but de lui faire avaler la pilule de la dernière demi-heure : la fameuse « conspiration mondiale », qui se trouve être la thèse centrale du « documentaire ». Le montage du film renforce quant à lui cette impression de confusion entre diverses questions : cette succession d’images et d’interviews toutes installées sur le même plan confine les esprits au relativisme mal placé.

Il est alors difficile, en tant que non-spécialiste, de démêler le vrai du faux, d’autant que la Macronie s’est faite elle-même experte en confusion, mixant allègrement propagande politique et discours scientifique depuis le début de la gestion de cette épidémie. Il en ressort une impression de chaos. Toutes ces images enchaînées font l’effet d’une drogue sur le cerveau, elles ne vont nulle part, n’expliquent rien mais fascinent, et finalement annihilent le sens critique. On se sent très vite démuni face à cette grosse machine qu’on nous présente, sorte de rouleau-compresseur que rien ne peut arrêter. De ce fait, nombreux.ses sont celles et ceux qui, après avoir vu Hold Up, tentent d’en sauver les meubles, c’est-à-dire d’affirmer que « tout n’y est pas à jeter ». Le problème de cette posture, c’est qu’elle oublie que le mélange du vrai et du faux ne peut produire que du faux. Or, mentir est dangereux, même si le but avoué est de faire se lever les foules. Surtout avec une conclusion annonçant l’arrivée d’un « gouvernement mondial », topos répandu de l’extrême droite antisémite converti dans la bouche de Marine Le Pen en « mondialisme ».

« Mais tu fais un procès d’intention, il n’y a rien d’antisémite dans ce documentaire », m’a-t-on dit au cours d’une discussion. C’est vrai, on n’y trouve rien de clairement antisémite, au sens où l’antisémitisme, pour pouvoir se répandre à nouveau, est désormais savamment crypté. On y entend tout de même à plusieurs reprises des comparaisons historiques hasardeuses, tenues tantôt par une aide-soignante, tantôt par une sociologue, deux personnes qui avaient peut-être des choses plus intéressantes à dire que des comparaisons puantes entre la Shoah et notre situation actuelle. À en croire Monique Pinçon-Charlot,

Hold up – Monique Pinçon-Charlot

l’équipe du film lui aurait fait réaliser 1h30 d’entretien dont seules deux minutes ont été conservées au montage, dont cette fameuse scène où on l’entend utiliser le terme d’ « holocauste » pour qualifier le prétendu projet futur des riches de supprimer les pauvres. Cela ne l’excuse pas, mais cela doit au moins jeter le doute sur l’honnêteté intellectuelle des réalisateurs. On peut également douter lorsque ces derniers présentent le premier confinement comme un dispositif décidé arbitrairement par le gouvernement, alors que celui-ci s’est décidé dans la précipitation, sur un rapport de force populaire, tandis que Macron et Philippe avaient prévu de retarder au maximum la mise à l’abri de la population sur les conseils du MEDEF, désireux de préserver l’économie. Que le confinement ait été coûteux humainement pour beaucoup d’entre nous est indéniable, mais c’est une question qu’il serait bon de traiter avec un peu plus d’honnêteté intellectuelle pour lui faire honneur.
Il semble en effet que les protagonistes du film fassent peu de cas des conditions de travail et de surcharge encore plus dramatiques pour les soignant-e-s dans le cas d’une absence de confinement lors des pics de l’épidémie. Le film ne posant en effet pas la question des années d’austérité drastique qui viennent de s’écouler dans le service public hospitalier, on peut aisément douter de leur capacité à analyser le système néolibéral. De même que les suspicions peu claires et farfelues vis-à-vis des vaccins, de Big Pharma ou de la 5G, empêchent toute argumentation anticapitaliste sur ces sujets, et surtout empêchent de pouvoir d’agir concrètement contre le pouvoir du capital dans le domaine de la santé et du numérique.

Manoeuvres sectaires ?

Lorsqu’on doute de la crédibilité d’une source, le premier réflexe à mobiliser est de se demander qui parle et dans quel but. Pierre Barnérias, Nicolas Réoutsky et Christophe Cossé, les trois producteurs de Hold Up, on ainsi un CV pour le moins intrigant. Le premier est un journaliste proche de la Manif Pour Tous ayant réalisé plusieurs documentaires bidonnés, dont l’un (M et le 3ème secret, 2014) traite d’un complot mondial (encore un!) animé par les communistes et les francs-maçons.


Il partage avec le second, Nicolas Réoutsky, une passion pour les expériences de mort imminente. Quant à Christophe Cossé, il est connu dans le civil pour être « maître praticien » en Hypnose Ericksonienne et en Programmation Neuro Linguistique (PNL). A priori, rien ne disposait ces trois hommes à s’adonner à l’épidémiologie, encore moins à la critique sociale. Hold Up ne vient pas de nulle part : pour le comprendre, il est nécessaire de replacer ce document dans le temps long. Dès le début de la pandémie de Covid 19, des voix se sont faites entendre pour remettre en question la véracité de la pandémie.

Dans de nombreux médias, on a pu voir des journalistes, mais aussi des politiciens, des personnalités affirmer que le Covid 19 n’était qu’une « grippette » ou affirmer leur scepticisme quant à son existence. Sans connaître la suite et sans être spécialiste, ces doutes étaient de l’ordre du raisonnable. Or, à la mi-mars, après des gesticulations inconséquentes du gouvernement français, nous avons été confinés pour deux mois. Pour certains.nes, le confinement s’est déroulé sans trop de difficultés, mais pour d’autres, notamment celles et ceux qui n’ont pas l’habitude d’être mis au repos forcé si longtemps, il s’est vite transformé en calvaire. Je pense que des idéologues représentant un groupe d’intérêts particuliers s’en sont rendu compte très tôt et se sont engouffrés dans la brèche de la peur et du déni massifs qui se sont installés durant ces mois de solitude confinée.


Cela a commencé avec la démagogie médicale de Didier Raoult, dont on connaît désormais le manque de sérieux et qui a fait se lever des centaines de fans très remontés contre les labos pharmaceutiques (mais étrangement prê.t.es à donner le bon Dieu sans confession à l’hydroxychloroquine, molécule distribuée sous forme de Plaquenil par les laboratoires Sanofi). Le 5 mai 2020 a eu lieu sur YouTube un direct réunissant quatre « spécialistes » venus du monde des pseudosciences : Silvano Trotta, Jean-Jacques Crèvecoeur, Tal Schaller et Thierry Casasnovas. Les deux premiers se retrouvent d’ailleurs au générique du documentaire Hold Up. Ces apôtres de la « médecine alternative » ont énormément gagné en popularité ces derniers mois, touchant un public beaucoup plus large qu’avant la crise sanitaire, en utilisant intelligemment les réseaux sociaux et en noyautant les groupes Facebook militants, notamment ceux des Gilets jaunes. Ils forment un combo d’écrivains et deredoutables businessmen New Age, exploitant au maximum les potentialités du développement personnel à des fins lucratives et propagandistes.


Toute crise débouche sur des situations de flottement intellectuel favorables à l’irruption de ce type d’énergumènes qui semblent apporter des réponses neuves et simples à des problématiques complexes. La popularité nouvelle de ces quatre beaux-parleurs a entraîné dans son sillage l’irruption dans le débat public de toute une horde d’ « alternatifs » plus ou moins sérieux résolus à mettre à bas la pensée rationnelle et les acquis originels de la médecine occidentale. De la défiance anti-laboratoire (légitime, au vu des nombreux scandales sanitaires comme celui du Mediator ou de la Dépakine), nous sommes alors rapidement passés à une défiance plus générale contre les médecins puis les soignant.tes, accusés de prendre part à des mensonges sanitaires comme s’il s’agissait d’un groupe homogène partageant les mêmes intérêts. 

Ces personnes – homéopathes, naturopathes, coachs de vie , souvent issues du privé – jettent volontairement le bébé avec l’eau du bain et dispensent un discours que nous pourrions qualifier de sectaire. En effet, elles appellent leurs spectateurs et spectatrices à ne plus consulter les médias officiels et à leur préférer leurs médias, entretiennent la comparaison entre science et religion et les orientent vers des débats qui n’ont rien à voir ni avec leur domaine de compétence, ni avec la situation politique dans laquelle nous sommes plongés. C’est ainsi qu’aujourd’hui, des citoyens en colère s’organisent pour diffuser des tracts anti-masques ou s’opposer à la vaccination au lieu de se mettre en grève ou critiquer les lois liberticides promulguées par le gouvernement. C’est ainsi, en exploitant la peur, la misère et l’ignorance, qu’on brise un front social.On retrouve dans le documentaire Hold Up plusieurs des éléments que nous venons de souligner : tout d’abord, une critique systématique de la médecine traditionnelle effectuée par des « alternatifs » peu crédibles, voire reliés à des idéologies très dangereuses.

C’est le cas de Valérie Burgault, compagne de route d’Alain Soral et proche de l’extrême droite catholique de Civitas. L’appel à l’irrationnel et aux sentiments est lui aussi constant, avec les témoignages d’anonymes qui partagent leurs peurs sans qu’elles soient contextualisées, mises en perspective, sans qu’en découle un travail explicatif, sociologique ou simplement journalistique. Enfin, une injonction sectaire à se couper de tous les canaux traditionnels d’information pour leur préférer les « vérités alternatives » présentées par les intervenants.tes du « documentaire ». 

Hold Up : un film dangereux, mais pas pour le gouvernement

« Mais quand même, tous les médias mainstream ont attaqué le film, c’est bien qu’il dérange au plus haut ! ». Ces derniers jours, j’ai entendu plusieurs fois ce type de remarque dans la bouche de mes contradicteurs. Eh bien, je pense que non, Hold Up n’est pas du tout subversif pour le pouvoir, bien au contraire. Il n’est pas utile de rappeler ici la chronologie des manquements et des mensonges gouvernementaux depuis les débuts de la crise sanitaire. On pourrait même dire qu’on savait déjà que ce gouvernement serait bête et méchant avant son élection. Quand la défiance se maintient à ce niveau, il ne reste plus que la politique de la terreur pour continuer à régner. C’est ainsi qu’au fil des mois, Emmanuel Macron se rend compte qu’il a de plus en plus besoin d’ennemis crédibles pour tenter d’asseoir sa propre crédibilité. Et des ennemis crédibles, en ce moment, ce n’est pas ce qui manque.

L’assassinat de l’enseignant Samuel Paty par un terroriste islamiste au soir des vacances de la Toussaint, puis les autres attaques perpétrées dans le sillage de celle-ci, ont donné lieu à une surenchère réactionnaire-républicaine pendant plusieurs semaines. Le projet de loi « confortant les principes républicains » est ensuite arrivé, réadaptant la loi « séparatismes » et ne proposant aucune réponse sérieuse de lutte contre le terrorisme mais stigmatisant toujours plus les musulmans.nes en tant que groupe à surveiller, légitimant ainsi les discours de l’extrême droite.Et voilà qu’après cette énième phase de fascisation de la population, un documentaire aux accents conspirationnistes est publié sur les réseaux et plébiscité par des millions de personnes. Ce documentaire accumule les fausses informations, les contre-vérités, attaque aussi un peu le gouvernement, mais de manière tellement lacunaire et à côté de la plaque qu’il n’est pas vraiment dangereux. De plus, il passe sous silence la pauvreté qui s’étend en France et dans le monde, les conditions de travail des soignants.tes, la répression des mouvements sociaux de ces derniers mois et la politique libérale-autoritaire des gouvernements Philippe et Castex. Voilà un véritable cadeau pour Emmanuel Macron, qui n’a plus qu’à éluder les maigres critiques de sa gestion de la crise pour se concentrer sur la lutte contre les fake news comme il sait si mal le faire habituellement, lui, le générateur officiel de fake news.Ainsi, pendant que l’on parle des projets fantasmés du « gouvernement mondial », on oublie les projets bien réels des gouvernements nationaux, a fortiori du nôtre.


On oublie les oppressions réelles, déjà existantes, la souffrance au travail, les licenciements, la pauvreté, les inégalités qui s’accroissent. Passées à la moulinette du « complot mondial », celles-ci passent pour quantité négligeable, elles paraissent secondaires, presque normales. On oublie que nous plongeons dans une crise économique effroyable qui a déjà causé la paupérisation d’un million de personnes en un an en Franceet des cas de détresse psychologique chez la moitié des travailleurs.euses du pays. On oublie la politique d’austérité qui s’en suivra, avec certainement de nouvelles attaques contre notre modèle social en lambeau, encore une fois contre les plus faibles. On oublie que désormais, occuper un bâtiment universitaire sera passible d’une peine de prison, que publier une photo non-floutée d’un flic ne sera plus possible pour un journaliste, que des réflexes d’obéissance absurdes sont en train d’être intériorisés par les populations subissant la gestion catastrophique de cette crise sanitaire avec un stress soutenu. On oublie que le lien social s’étiole, que le capitalisme s’étend, et avec lui les dominations sociales, patriarcales, raciales, écologiques et sexuelles. Et on oublie surtout de parler des solutions qu’il nous reste pour affronter cet avenir. Nous nous laissons paralyser, et nous en oublions nos principes, jusqu’à glisser vers des chemins que nous n’aurions jamais dû emprunter.

À quoi bon lutter si tout est joué d’avance, entre les mains de quelques ultra-riches qui dirigent le monde ? À quoi bon se syndiquer, à quoi bon manifester, à quoi bon rester droit dans ses bottes ? Voilà les questionnements pervers auxquels conduisent inévitablement des films comme Hold Up, qui proposent une lecture affadie, schématisée et finalement mensongère de la lutte des classes, masquant les antagonismes de classe pour leur préférer la sauce populiste des « 99 % contre les 1 % ». Dans une crise sanitaire où la seule exploitation du travail productif et reproductif est mise en avant, alors que l’on perçoit son redéploiement par de nouvelles modalités comme le télétravail, possible uniquement grâce au travail bien réel et physique des classes subalternes, on nous détourne des analyses anticapitalistes pour leur préférer les antagonismes portés par les réactionnaires de tous bords (à l’exemple de l’opposition factice entre un « bon » capitalisme national-bioconservateur et un « mauvais » capitalisme mondialisé-transhumaniste), particulièrement, en France, par les catholiques traditionalistes qui se détournent d’un pape jugé « trop à gauche ». C’est d’ailleurs une lecture idéologique que les réalisateurs de Hold Up tentent à plusieurs reprises de scénariser, notamment par le biais d’une scène montrant une aide-soignante réagissant avec émotion aux propos inhumains du docteur Laurent Alexandre. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir comment la personne qui mène l’entretien a présenté ce médecin libertarien fondateur du site Doctissimo à l’interviewée, sachant que Laurent Alexandre ne représente que lui-même et n’a aucune assise intellectuelle autre que celle que l’on veut bien lui donner.

De fait, Hold Up impose une lecture du monde fausse, marquée très à droite, en laissant s’installer un sentiment d’impuissance par le fait de ne proposer aucun moyen d’action concret tout en ne présentant aucun autre horizon que la peur et la soumission (certes à d’autres personnes que nos gouvernants, mais est-il plus raisonnable de suivre aveuglément Raoult que Lacombe ?) .

Pour terminer, je pose une question qu’adorent poser ceux et celles que l’on appelle les conspirationnistes : à qui profite le crime ? Dans le cas de Hold Up, la réponse paraît désormais évidente : au gouvernement sur le court terme, et sur le long terme à des forces militantes qui ne sont pas les nôtres. Des personnes se lèvent aujourd’hui pour mettre à bas la pensée rationnelle en exploitant ses failles. Des forces issues du monde du privé, tout à fait compatibles avec le macronisme et ses vérités alternatives, qui pourraient tout à fait souscrire à une politique d’austérité, du moment que celle-ci s’attaquerait au régime de Sécurité Sociale et déboucherait sur une médecine à deux vitesses dans le cadre de laquelle ils pourraient se lancer dans de nouveaux marchés. Toute crise provoque du brouillard, surtout lorsque la défiance est au plus haut. Les exemples historiques sont nombreux. Pour rappel, les sociaux-démocrates de la République de Weimar avaient été si infâmes qu’ils ont permis à l’une des pires dictatures de l’Histoire de s’installer dans les années 30, après avoir écrasé les marxistes allemands et dans un bouillonnement intellectuel européen réactionnaire intense qu’on a appelé le fascisme. Camarades marxistes, anarchistes et révolutionnaires, nous n’avons désormais plus le droit à l’erreur et sommes placés face à une responsabilité écrasante. Grève, blocages, occupations, désobéissance civile : il devient urgent de nous ressaisir de tous les moyens de lutte à notre disposition. Vite, car il est minuit moins une.

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Introduction à la Sociologie https://eunomia.media/2018/10/09/introduction-a-la-sociologie-2/ https://eunomia.media/2018/10/09/introduction-a-la-sociologie-2/#respond Tue, 09 Oct 2018 08:00:43 +0000 http://www.assoeunomia.fr/?p=3938 Bon ici le but ça va être de parler le plus simplement possible de la sociologie. Cette discipline mystérieuse sur laquelle tout le monde semble avoir une opinion mais que pas grand monde n'arrive à définir.]]>

Bon ici le but ça va être de parler le plus simplement possible de la sociologie. Cette discipline mystérieuse sur laquelle tout le monde semble avoir une opinion mais que pas grand monde n’arrive à définir.

Partant du principe que la socio c’est un truc qui sert vachement à comprendre le monde dans lequel on vit, et de proposer éventuellement des solutions pour améliorer les choses, on s’est donné pour objectif de rendre ça un peu moins opaque histoire de rendre cet outil formidable plus accessible.

Du coup la Sociologie c’est quoi ?

les humain·e·s forment des groupes. C’est comme ça.

« l’homme est un animal social ». Vous avez peut-être déjà entendu ça. En fait, ca veut dire que les humain·e·s, tout au long de leur histoire, depuis l’ère des chasseurs-cueilleurs, ont cherché à s’associer (d’ailleurs c’est de là que ça vient le « socio » de sociologie qui veut dire « association »).

Iels ont formés des collectivités de plus en plus vastes et complexes pour vivre et travailler. D’abord des familles, puis des clans, puis des tribus, des villages, des cités, des villes et enfin des états-nations.

Oui bon, j’ai un truc avec les HLM

Le « logie » de sociologie marque quant à lui le fait qu’on étudie ces types d’associations car notre inclination à vivre et travailler ensemble a conduit à la formation des sociétés civiles dans lesquelles nous vivons aujourd’hui.

Ces sociétés ont été modelées par l’accroissement de nos connaissances et de notre technique (bah oui va vivre dans un HLM en bois et en peaux de bêtes).

Mais à l’inverse il faut aussi prendre conscience que les sociétés dans lesquelles ont vit ont une influence certaine sur nos comportements (vivre dans un HLM par exemple) et conditionnent pratiquement tous les aspects de notre existence.

la fameuse pyramide du capitalisme qui a priori ne vient pas des extra-terrestres

Du coup, la sociologie c’est l’étude du comportement des individus au sein des groupes humains et des façons dont ces collectivités façonnent les comportements.
L’objectif c’est, entre autres de déterminer comme ces groupes fonctionnent et quelles sont les lois auxquelles ils obéissent, quelles sont les lois qui les maintiennent et quelles sont les lois qui les transforment.

C’est donc une analyse théorique des :
– processus sociaux (comme la Discrimination)
– structures sociales (comme les trois ordres de l’ancien Régime)

Par ailleurs il faut bien garder en tête que la Sociologie a également pour but de proposer des solutions, donc d’être un outil dans l’élaboration de la politique sociale d’un·e pays/entreprise/région etc.

Les sociologues quant à eux, choisissent entre différents objets d’études (à propos de quoi on va réfléchir / ce que l’on va analyser) : On peut se concentrer sur les institutions (l’Etat, la science, la prison etc.), sur les différents groupes sociaux (les femmes, les ouvrier·e·s, les immigré·e·s etc.), ou sur les interactions et les expériences des individus (le mariage, l’entrée dans l’âge adulte, la guerre etc.).

Ainsi, quand on fait de la sociologie, on a toujours un des deux regards possibles sur le société : on peut l’analyser comme une entité en soi dont on regarde le fonctionnement, la structure ou l’organisation. On peut aussi l’analyser comme une somme d’individus dont on regarde le comportement, les interactions et les relations.

Un peu comme si vous pouviez choisir de regarder la société soit avec un microscope soit avec un télescope. Deux perspectives complémentaires pour bien comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Les philosophes apportant la lumière sur le monde. LOL

Il est intéressant aussi de noter que la sociologie est une discipline plutôt récente. Y’avait certes des notions comme celles de « société civile » déjà présentes chez les philosophes de l’Antiquité mais ils se concentraient plus sur leur gestion politique (comment on doit gérer et gouverner la cité) que sur l’analyse sociologique (comment la cité fonctionne-t-elle ?).

Et même si ce sont les philosophes antiques qui ont inspiré la philosophie politique, la sociologie quant à elle, est plutôt née des mutations qu’a connue la société occidentale d’abord au siècle des Lumières puis avec la Révolution Industrielle. (on en reparlera)

En effet, en remettant en question les certitudes traditionnelles fondées sur la religion, les philosophes des lumières ont sapé non seulement l’autorité symbolique de l’Eglise mais aussi du Roi et de sa noblesse (ce qui mena entre autres aux révolutions française et américaine).

A la suite de ces dernières la volonté était d’instaurer des formes de gouvernement plus représentatives. Au même moment, les progrès technologiques et les machines modifiaient la manière de produire et de vivre : ce fut la naissance des grandes citées industrielles.

La Société et la Modernité

Du coup, quand on dit que la sociologie est née de la révolution industrielle c’est parce que le changement des modes de vie a été si brutal que beaucoup de personnes ont eu le sentiment de rentrer dans une nouvelle époque qualifiée par un terme : la modernité.

Zemmour qui se rend compte qu’il déplore la même chose que les réacs du XVIII ème siècle

Les « penseur·se·s » de l’époque ont donc eu différentes manière d’interpréter et d’analyser ces changements brutaux. Certain·e·s se sont borné à déplorer l’effondrement des anciennes formes de cohésion sociale (les différentes choses qui cimentaient les groupes d’humain·e) comme les liens familiaux, l’esprit communautaire, les croyances religieuses partagées etc.
D’autres ont compris que ces forces nouvelles allaient déterminer ce qu’on, à la fois, considérera comme un chaos et à la fois comme un nouvel ordre social.

Et comme les philosophes des Lumières avaient déjà créé un lien direct entre la réflexion, l’analyse et la rationalité scientifique, c’est tout naturellement que les premier·e·s penseur·se·s du « fait social » se sont d’emblée placé·e·s dans une perspective scientifique.

En effet, les sciences de la nature (astronomie, physique, chimie, biologie) étant déjà bien établies, le moment était venu de faire de l’étude de la société une discipline à part entière et donc distincte de la philosophie et l’histoire.

Adam Smith qui a sans doute le plus beau portrait de sa génération

Étant donné le contexte économique et social (début de la révolution industrielle + essor du capitalisme), il était logique que la science économique soit la première à voir le jour avec la parution en 1776  des « Recherches  sur la nature et les causes de la richesse des nation » d’Adam Smith.

Mais à la même époque, les écrits d’Adam Ferguson et quelques temps plus tard ceux de Claude Henri de Saint Simon, préfiguraient déjà ce qu’allait être la démarche sociologique.

Max Weber, trois fois champion inter-régional de froncement de sourcils catégorie sénior

C’est cependant Auguste Comte qui, en cherchant au début du siècle suivant (le XIXème donc) à faire de l’étude de la société un science rigoureuse et selon lui « positive » (le fait de décrire le réel selon ce qu’il est, et non selon ce qu’on pense qu’il devrait être), a véritablement établi les principes de la nouvelle discipline à laquelle il a donné le nom de « sociologie ».

Après lui sont venus les trois grand « pères fondateurs » de la science sociale : Karl Marx, Émile Durkheim et Max Weber.
Chacun de ces messieurs va attribuer à l’avènement et au fonctionnement nouveau de la société moderne un cause différente :

– Le capitalisme et la lutte des classe selon Marx
– L’industrialisation selon Durkheim
– La rationalisation et la sécularisation selon Weber

(on développera tout ça dans le prochain article)

Au moyen de ces thèses nouvelles, ils ont à la fois délimité l’ensemble du domaine et des sujets d’étude de la sociologie de l’époque et à la fois donné naissance aux principaux courants qui on dominé (et dominent toujours) cette nouvelle science sociale.

Une « Science Sociale »

Comme la sociologie est née dans une époque et un lieu (l’Europe du XIXème) où la pensée rationnelle règne quasiment partout, il est indispensable pour être prise au sérieux que ses méthodes présentent un caractère scientifique rigoureux.

Une des milliers de violence policières « exceptionnelles » signalées par an

Auguste Comte a établi des règles de bases : la nouvelle science doit reposer sur la recherche de preuves empiriques comme les sciences de la nature.
Marx lui aussi se prévaut d’une approche scientifique, et Durkheim parvient à faire reconnaitre la sociologie en tant que science sociale par l’institution universitaire.

Pour être scientifique, toute méthode de recherche doit être « quantitative ». En gros ça veut dire qu’il suffit pas de dire qu’on a rencontré « vachement » de flics qui font des abus de pouvoir et qui ne sont jamais renvoyés. Il faut pouvoir le mesurer avec des méthodes fiables et un échantillon assez large. En gros parvenir à des résultats mesurables comme « Sur les 2113 sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’égard de fonctionnaires de police en 2015 en France (dont environ 30% concerne des violences ou atteintes lors d’interventions), seules 47 concernaient des mesures d’exclusions. (source ici).

Rencontre autour de l’ouvrage du sociologue spécialisé dans la police : Mathieu Rigouste


Tandis que Marx et Durkheim se fondent sur des faits et se réfèrent à des données chiffrées ainsi qu’à des statistiques pour étayer leurs théories, Weber soutient quant à lui que la manière dont se conduisent les acteurs sociaux (les gens ou les groupes de gens) est fondée sur le sens qu’ils donnent à leurs actions.

Ainsi, à l’opposé de l’approche quantitative et « objective » des positivistes, il prône une approche « interprétative » ou « compréhensive » centrée sur les individus et leurs motivations à agir. Rejetée par certains comme non-scientifique, cette approche a fini par être peu à peu acceptée dans la sociologie moderne. Dans la seconde moitié du XXème siècle,  cette dernière est devenue de plus en plus interprétative et compréhensive. Sa méthodologie a peu à peu combiné les techniques de recherche qualitatives et quantitatives.

La Reforme et la Révolution

« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde (…), ce qui importe, c’est de le transformer » écrit Marx. Pour lui, comme pour Comte, la sociologie doit être un moyen de comprendre le fonctionnement de la société afin de la transformer.

Comme les sciences naturelles, elle doit aboutir à des applications pratiques qui permettent d’améliorer la condition des humains. Cette conception est en quelque sorte inscrite dans les gènes de la sociologie : Pour de nombreux·ses sociologues, cette science ne se réduit pas à l’étude objective purement descriptive (dire le monde tel qu’il est) mais peut devenir prescriptive (dire ce que le monde devrait/pourrait être).

« la prison est dangereuse, quand elle n’est pas inutile » a écrit Michel Foucault dans son livre « Surveiller et Punir »

Durkheim s’inscrit dans une autre logique : Pour parvenir à faire de la sociologie une discipline reconnue et légitimée par l’institution universitaire, il a dû démontrer le caractère scientifique de la méthode sociologique mais aussi se prévaloir d’une stricte « impartialité » face à l’ébullition politique qui agitait l’Europe depuis plus d’un siècle.

Cette approche strictement scientifique et à visée impartiale a dominé la sociologie dans la première moitié du XXème siècle. Progressivement, elle s’est ensuite tournée vers des approches plus interprétatives. Les travaux de plusieurs penseurs engagés, se réclamant ou non du marxisme, qui n’ont jamais renoncé à faire de la sociologie un instrument de changement social, lui ont par ailleurs redonné son rôle pratique :

Pierre Bourdieu qui a écrit « la fonction de la sociologie, comme toute science, est de révéler ce qui est caché »

En effet, après la Seconde guerre mondiale, des sociologues comme Charles Wright Mills et Michel Foucault se sont intéressés à la problématique de l’exercice du pouvoir, à la façon dont les normes sociales (les règles qui structurent la société) s’imposent à nous et à nos moyens d’y résister.

La Sociologie est donc passée des études purement descriptives et théoriques de la société telle qu’elle est à l’élaboration de propositions pratiques pour orienter les politiques publiques et les reformes sociales (voire les révolutions dont l’apparition de la sociologie est en quelque sorte une conséquence).

En 1972, le sociologue américain Howard Samuel Becker écrivait : « La bonne sociologie (…) produit des descriptions pertinentes des organisations et des évènements, des explications valables de la façon dont ils adviennent et perdurent, et des propositions réalistes pour les améliorer ou les supprimer. »

Institutions et Individus

En raison de cet élargissement du champs sociologique, la discipline a peu à peu élargi son audience. En effet, même le grand public qui sera impacté par les politiques sociales s’intéresse donc à la sociologie.

La société est-elle un seul et même corps ou un ensemble de plein de petites cellules (pas de prison hein) ?


Cette dernière a aussi pu, petit à petit, réfléchir sur elle même : De l’analyse des structures, des groupes ou des individus de la société moderne amenant soit de la « cohésion sociale » soit des disparités, on en est venu à étudier les rapports entre ces systèmes et ces dynamiques ou entre les individus et les groupes sociaux auxquels ils sont attachés ou non.

Il y a cent ans, les sociologues se divisaient en deux catégories bien distinctes : 

– ceux qui voyaient la société et ses institutions comme un tout et/ou qui voulaient l’analyser comme tel : une approche « macrosociologique » donc.

– ceux qui voyaient la société comme une multiplicité d’expériences individuelles et/ou qui voulaient l’analyser comme telle : ayant ainsi une approche « microsociologique ».

Si la distinction macro/micro existe toujours, les sociologues reconnaissent aujourd’hui que les deux approches sont étroitement liées et de nombreuses recherches se concentrent alors sur des groupes intermédiaires comme les classes socio-economiques, les groupes ethniques, religieux et culturels ou encore les groupes définis par leurs orientations romantiques ou sexuelles.

Image d’archive d’une manifestation de Black Feminism

Autre facteur de changement, la sociologie a aussi été confrontée à l’accélération des modifications de la société.
En effet depuis la fin de la seconde guerre mondiale (1945), de très nombreuses conventions sociales (règles de conduite) ont été remises en question et remplacées par des nouvelles normes.

Les mouvements pour les droits civiques des personnes non-blanches et la lutte pour l’émancipation des femmes se sont employés à réduire les inégalités de race et de genre.
Ainsi, les théories sociologiques ont elles aussi contribué à modifier les attitudes et comportements face à la sexualité, la famille ou le travail. 

« Le rôle de la sociologie est de venir en aide à l’individu. Nous devons être au service de la liberté. » affirmera le sociologue Zygmunt Bauman.

Dans la société postmoderne

Un bouquin cool qui explique bien la notion de posmodernité

Enfin, on peut noter qu’à l’heure de la mondialisation, les récentes innovations technologiques ont amené des changements sociaux comparables (si ce n’est plus radicaux encore) à ceux provoqués par la révolution industrielle.

En effet, la robotisation et l’informatisation, l’essor des industries de service, l’émergence  d’une société de consommation ont remodelé les activités humaines à laquelle la plupart d’entre nous prenons part.

Certains ne voient dans ces évolutions que la continuation de la « modernité » évoquée plus haut. Mais d’autres estiment que nous sommes entrés dans une ère nouvelle : postindustrielle et postmoderne.

Les progrès des techniques de communication et de transport ont rétréci drastiquement l’immensité du monde , attirant en retour l’attention des sociologues sur l’importance des identités culturelles/nationales et l’impact de la mondialisation sur les populations locales.

Internet a donné naissance à des réseaux sociaux entièrement nouveaux , qui, ne reposant plus sur le fait de se côtoyer en face à face, a mis en contact des individus et des groupes sociaux qui ne se serait jamais rencontrés auparavant.

C’est aussi par ces innovations que les sociologues s’offrent des nouveaux moyens et outils recherche sophistiqués pour comprendre l’évolution de ces nouvelles structures sociales.

Conclusion

Maintenant qu’on a vu en peu de lignes ce qui fonde la sociologie on va pouvoir, la prochaine fois entrer plus en détail dans ce que disent les grandes figures de cette dernière.

Finissons par une citation de Michel Foucault qui résume pas mal ce qu’on a essayé de mettre en avant dans cet intro : « Dans une société comme la nôtre, la vraie tâche politique est de critiquer le jeu des institutions apparemment neutres et indépendantes ; de les critiquer et de les attaquer de telle manière (…) qu’on puisse lutter contre elles »

A la prochaine pour un futur combat !



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